• Journal - Mars 2007

     

    Jeudi 1er mars 2007.

     

    L’été venait à peine de commencer et ce fût pour moi l’occasion de vérifier si ce que j’avais compris grâce à Adam était une réalité.

    En plus, pour être très honnête, cela m’amusait.

    Je venais de décrocher mon baccalauréat et j’allais entrer dans une école prestigieuse, alors j’avais bien l’intention de profiter des vacances pour me repaître de sexe dont je devrais ensuite me passer pendant quelques mois.

    Non pas, que j’avais des ambitions, mais je voulais satisfaire le désir de mon père qui voulait pouvoir exhiber avec fierté le parcours de son fils.

    Il m’avait élevé seul car ma mère était décédée en me mettant au monde.

    Enfin, seul, presque, puisque j’avais à mon service depuis mon tout premier jour, une nurse qui habitait le manoir du domaine et avait été une mère de substitution.

     

    Vendredi 2 mars 2007.

     

    Rien que l’idée de tapiner, comme l’on dit dans le milieu de la prostitution, m’amusait.

    Je ne savais ni comment faire, ni où aller.

    A l’époque, il n’y avait pas, comme aujourd’hui, des lieux spécifiques pour les homosexuels.

    On devait se cacher, vivre nos plaisirs en secret.

    Il fallait oser aguicher un homme au risque de se tromper.

    Même si je ne suis pas fier d’avoir été servi avant tout par mon physique, je suis bien conscient que c’est grâce à lui que j’ai pu facilement trouver des jouisseurs.

    Et très vite, j’ai eu l’occasion de visiter les chambres des plus immondes hôtels de la ville.

    J’avais été élevé dans le luxe et le confort inexistant de ces lieux ne me plaisait pas du tout.

    C’est pourquoi, au décès de mon père, alors que je n’avais pas encore vingt ans, je décidais d’acheter un appartement en ville qui devint mon cabinet de consultation.

    Cette acquisition fût le début de ma double vie.

     

    Samedi 3 mars 2007.

     

    Ma double vie consistait à maintenir l’apparence et le standing de Monsieur le Comte Varennes de l’Alma, rentier de son état et qui fréquentait la haute et distinguée société des notables, et a m’amuser et à vivre sous le sobriquet de Java, une vie de débauche dans laquelle je me complaisais et je prenais du plaisir.

    Plus le temps passait et plus je consacrais du temps à mon rôle de Java en délaissant Monsieur le Comte qui ne sortait que pour ses obligations.

    Java développait son réseau et découvrait l’amitié des petites gens dont je me sentais plus proche que de la noblesse plus ou moins légitime que je devais fréquenter sous le masque de Monsieur le Comte.

     

    Dimanche 4 mars 2007.

     

    Ma vie de Java m’obligea à m’assimiler aux gens du milieu.

    J’ai donc adapté mon langage, ma façon de m’habiller, mes manières, ma façon d’être.

    Je ne suis pas sûr aujourd’hui qu’un psychanalyste ne m’aurait pas diagnostiqué une skizophrénie tellement j’avais deux personnalités distinctes.

    Je me suis fait des amis de certains de mes « collègues ».

    Je me suis fait des « réguliers » comme on dit, des jouisseurs qui avaient leurs habitudes avec moi.

    N’étant pas en détresse financière, j’ai pu éviter de tomber entre les griffes de proxénètes peu scrupuleux.

    En fait, j’ai eu de la chance.

    J’ai pratiqué cet « art du sexe » par envie, par plaisir et non comme seul recours pour m’en sortir, contrairement à certains prostitués que j’ai connu.

     

    Lundi 5 mars 2007.

     

    Je n’ai commencé à avoir des réguliers qu’après m’être installé dans cet appartement qui est aujourd’hui à l’abandon.

    Avant, je rabattais des jouisseurs d’une fois, parfois deux, mais jamais plus.

    Cette période m’a fait découvrir tout un tas de spécimens de la gente masculine aux mœurs peu ragoutantes, mais je ne regrette rien, c’est comme ça que j’ai découvert la vie.

    C’est à cette période que l’un de mes jouisseurs m’a emmené chez lui, ce fût d’ailleurs la seule et unique fois que j’acceptais d’officier ailleurs qu’à l’hôtel, dans mon cabinet ou à l’air libre.

    Le Master, c’est comme ça qu’il voulait que je l’appelle, m’emmena dans sa maison, qui ne payait pas de mine de l’extérieur, mais qui recélait en son sous-sol ce que l’on appelle un donjon.

    Une salle propre et agrémentée de tout un tas d’équipements plus ou moins « catholique » et qui lui permettait d’assouvir ses envies de domination sur d’autres hommes.

    Lorsqu’il me fit découvrir l’endroit, je n’avais qu’une envie, partir.

    En fait, je crois que j’ai eu peur.

    Mais il s’avéra que j’avais tort d’avoir peur, car ne souhaitant me sentir sous son pouvoir, j’eu l’idée de lui dire que vu la teneur de ses équipements, le tarif convenu n’était plus adapté.

    C’est lorsque la discussion commença que je pris le pouvoir sur lui et c’est par ce biais que j’acceptais de rester, simplement parce que sans s’en rendre compte, il m’avait donné une emprise sur lui qui avec le recul, je dois bien l’avouer était assez forte.

    C’est dans ce genre de situation qu’en fait j’étais finalement bien content d’avoir un physique désirable au point de contraindre ceux qui en avait envie de faire selon mes désirs.

    C’est assez surprenant d’ailleurs quand on y pense, alors que c’étaient les jouisseurs qui payaient pour un service, c’était moi qui avais un pouvoir incroyable sur eux.

     

    Mardi 6 mars 2007.

     

    Je ne t’ai pas encore parlé du Snipper.

    Celui-là, un peu spécial quand même.

    La première fois, il m’a payé mais il ne s’est rien passé, on a juste négocié le tarif, la régularité et les modalités.

    C’est la seule et unique fois que j’ai vu son visage et je n’ai jamais vu son corps.

    Le Snipper est un de mes jouisseurs qui payait le plus.

    Lorsqu’il venait, il arrivait toujours en avance.

    Il attendait devant la porte et une minute avant l’heure du rendez-vous, j’allais entrouvrir la porte et il toussait pour me confirmer qu’il était là.

    Il ne me restait plus qu’à me positionner sur le lit le postérieur en l’air.

    Il entrait, fermait la porte, posait dans ma main restée ouverte une liasse de billets.

    Il baissait son pantalon, enfilait un préservatif qu’il lubrifiait abondement, puis il me pénétrait en cadence.

    Ses coups de bassin étaient réguliers et assez violents, mais il lui suffisait de quelques minutes pour atteindre une excitation suffisante pour éjaculer.

    Le Snipper avait ceci de particulier qu’une fois la petite mort atteinte, son sexe se rétractait illico, si bien que lorsqu’il se retirait, il laissait en moi le préservatif plein dont mon anus assurait l’étanchéité jusqu'à ce que je le retire.

    A peine avait-il finit qu’il remontait son pantalon et partait en prenant soin de claquer la porte pour qu’elle soit bien fermée.

     

    Mercredi 7 mars 2007.

     

    Quand je repense à mes petits camarades, mes « collègues », je me dis que j’ai eu de la chance tout de même.

    Est-ce parce que j’avais la possibilité de choisir mes jouisseurs ?

    Eux ne l’avait pas forcément, ils se prostituaient pour survivre, mais pas moi.

    Quelques fois nous nous retrouvions pour boire un verre entre deux jouisseurs ou lorsque, de part nos tapinages assez long, nous avions besoin de nous poser un peu avant de nouveau repartir à l’affût d’un jouisseur à vider.

    Nous discutions, enfin, c’est surtout eux qui parlaient, moi j’écoutais.

    Ils me racontaient leurs expériences.

    Je crois vraiment que j’ai eu de la chance.

    Je me souviens de Jonathan, un petit gars pas spécialement beau, mais mignon, avec du chien comme on dit, une « gueule ».

    Un garçon d’une gentillesse extraordinaire.

    Un soir, il s’était retrouvé embarqué dans une soirée mondaine, on lui avait bandé les yeux pour l’emmener sur les lieux, lorsqu’il retrouva la vue, il était dans une salle bardée de canapés de velours rouge et pleine d’hommes nus portant des cagoules.

    Leurs corps laissaient à penser qu’ils n’étaient plus de premières fraicheurs.

    Il gagna ce soir là, autant que pendant tout un mois de travail, mais il en sortit épuisé d’avoir du contenter tous ces hommes.

    Et complètement amoché, car la soirée se termina par une séance pendant laquelle il du subir les coups de ses hommes regroupés autour de lui et dont certains étaient munis de fouets.

    Quand je pense que Monsieur le Comte doit certainement en croiser certains dans les cérémonies protocolaires, j’en ai la nausée.

     

    Jeudi 8 mars 2007.

     

    Je me rends compte que j’ai juste évoqué le Master, mais que je ne t’ai pas raconté ce qui c’est passé ce jour là.

    Remarque, ce n’est pas étonnant, j’écris comme les souvenirs me reviennent.

    Par bribes et dans le désordre.

    Mais c’est une grande satisfaction pour moi, de constater que ma mémoire n’est pas totalement effacée.

    Je dois certainement considérer cela comme une bataille gagnée dans cette guerre contre moi-même, c’est surement pour cela que j’en tire tant de satisfaction.

     

    Vendredi 9 mars 2007.

     

    Ce soir, je me sens las, fatigué.

    Ma mémoire ne fonctionne pas vraiment.

    Je vais surement devoir affronter une nouvelle crise.

     

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