• Journal - Février 2007.

     

    Mercredi 14 février 2007.

     

    Une irrépressible envie d’écrire.

    Pourquoi ?

    Je ne sais pas, je m’en doute bien un peu, mais je ne crois pas être encore en mesure de l’accepter, donc nous verrons cela plus tard.

    Pour le moment, je me contenterai de jeter quelques mots, surement pour voir l’effet que cela me procure.

    Il sera toujours temps d’aller plus avant dans les confidences.

    Aujourd’hui, jour de la Saint Valentin, fête des amoureux, je jette la première pierre.

    Y en aura-t-il d’autres ?

    Je le pense, mais je ne veux pas présumer de mon courage, alors nous verrons bien.

    Déjà quelques mots et je te parle comme si tu existais !

    Tu existe, oui, mais tu n’es qu’un journal, un journal intime, sans vie hormis celle que je te donne et pourtant, je ne peux m’empêcher de te parler, comme à un ami.

    Ca doit être les premiers effets.

    Un peu comme si tu me tenais compagnie et ainsi je me sens moins seul.

     

    Jeudi 15 février 2007.

     

    Une nuit s’est écoulée depuis que je t’ai donné vie et en relisant mes premiers pas, je me suis aperçu que j’avais manqué à tous mes devoirs et fait une entorse à l’éducation distinguée que j’ai reçue pendant toute mon enfance.

    Je ne me suis même pas présenté.

    Je m’appelle Jean-Arthur Varennes de l’Alma, comte par le titre et propriétaire du Domaine de Granvilliers de Lanchaux, mais tu peux m’appeler Java, comme beaucoup l’on fait durant toutes ces années.

    Ces années ?

    Oui, celles qui m’amènent ici, celles que j’ai pleinement vécues, surement sans me rendre compte de tout, celles pendant lesquelles la vie que j’ai menée aurait fait scandale dans la bourgeoisie dont je suis issu, si cela c’était su.

    Mais j’ai réussi à mener cette double vie sans aucune difficulté.

    Probablement, parce que je me suis retrouvé à être le dernier descendant de la lignée et surtout le seul titulaire de ce titre de comte à être encore vivant, alors que j’entrais dans ma vie d’adulte.

    Le destin a voulu que l’illustre nom de mes ancêtres soit amené à s’éteindre avec moi.

     

    Vendredi 16 février 2007.

     

    Je me rends compte que je ne t’ai pas dit grand-chose à propos de moi et de ce qui m’amène à faire de toi, mon fidèle compagnon de voyage.

    Ce voyage chaotique que j’ai commencé depuis un certain temps déjà, mais dont je n’ai eu connaissance qu’il y a deux jours.

    Oui, tu l’as deviné. Ta naissance est liée à cette nouvelle.

    Je ne sais combien de temps durera notre voyage, mais tu fais partie de ma vie maintenant.

    Il ne m’aura fallut que deux jours pour t’apprivoiser et ne plus avoir envie de te quitter, même s’il le faudra bien un jour, celui-là même où la dynastie des Varennes de l’Alma s’éteindra.

    Tu n’as rien fait pour cela et pourtant tu m’es devenu proche, intime, en fait tu porte bien ton nom, car j’ai envie, ou peut être est-ce même un besoin, de tout te confier, ce que j’ai vécu, ce que je vis.

    Probablement par fierté ou plutôt par vanité, pour qu’il reste quand je partirai une trace de ma vie, de mes frasques, puisque je n’ai pas de descendant pour assurer ma gloire posthume.

    Enfin quand je dis gloire, je suis surement quelque peu présomptueux, car nul doute que dans le milieu où je suis né, ma vie serait plutôt qualifiée de scandaleuse et immorale.

     

    Lundi 19 février 2007.

     

    Tu me vois désolé de t’avoir abandonné pendant si longtemps, mais que veux-tu, il m’a fallut garder le lit et la fièvre qui m’y a cloué ne me laissait même pas la force de lever le bras.

    Mais aujourd’hui ma météorologie intérieure est plus clémente et me permet de revenir te narrer mes aventures.

    Tu m’as manqué.

    C’est étonnant, je le sais bien, mais c’est un fait.

    Comme tu l’as compris, ma santé est fébrile, alors il va me falloir tout te dire, le plus rapidement possible, car je ne voudrais pas partir sans avoir terminé.

    A moins que me raconter à toi, ne me permette d’avoir une sorte de corde qui me permettra de tenir encore un peu plus.

    Mais je te sens impatient et intrigué par ces fameuses frasques que j’ai évoquées.

    J’assume pleinement les choix que j’ai fait dans ma vie, mais il m’est difficile de te dire comme ça de but en blanc, que bien qu’ayant bénéficié d’une position sociale enviée et de moyens financiers très confortables, j’ai passé une bonne partie de ma vie à me faire payer pour que l’on profite de mon corps.

    J’ai beau chercher, je ne trouve pas d’autres mots appropriés, je dois donc me résumer en disant que j’étais prostitué.

     

    Mardi 20 février 2007.

     

    Pas facile à dire ni à entendre, ce que je t’ai avoué hier.

    Et pourtant, ce n’est que la vérité.

    J’ai donné du plaisir à tant d’homme en contrepartie de cet argent qu’ils me donnaient.

    Certains de mes « collègues » se sentaient honteux de faire ce « métier », mais moi, pas du tout, j’aimais cela, et maintenant que j’en parle, je me rends compte qu’en fait, il y a plusieurs aspects de ce métier que j’ai aimé.

     

    Mercredi 21 février 2007.

     

    L’argent n’a jamais compté pour moi, puisqu’en tant que seul et unique héritier de la fortune des Varennes de l’Alma, je n’ai jamais eu à me soucier de pouvoir boucler mes fins de mois.

    D’ailleurs, cela me fait penser qu’il va falloir que je m’occupe rapidement de ma propre succession.

    Mais pour le moment, je préfère me raconter.

    Peut être qu’en faisant cela, je vais me découvrir moi-même.

    Je ne sais pas.

    Je n’ai plus aujourd’hui le corps d’antan, celui qui m’attirait tant de clients.

    Clients, que je n’aime pas ce mot.

    Il faudrait que j’en trouve un autre pour parler de ceux qui m’ont payé pour leurs plaisirs.

    Je n’avais jusqu’à maintenant jamais parlé d’eux autrement que par leurs prénoms ou le sobriquet que je leur avais attribué.

    Alors, comment vais-je bien pouvoir les appeler, lorsque je parle d’eux de façon générale.

    Mes poussins ?

    Non, cela fait trop protecteur, même si je les ai plus ou moins aimé et à ma façon.

    Mes courtisans ?

    Non plus, ils ne m’ont jamais vraiment courtisé, puisque je disais oui dès qu’ils avaient accepté mes tarifs.

    Je dois bien avouer qu’aucun n’a refusé mes prix, surement parce que je faisais tout pour les exciter.

     

    Jeudi 22 février 2007.

     

    J’ai pensé à les appeler « Mes Jouisseurs », je sais, ce n’est pas très joli, mais ça leur va bien.

    Tous ces hommes qui ont forniqué avec moi ont tous jouis sans exception, alors en attendant de trouver mieux, je les appellerai mes jouisseurs.

    Je te parlerai d’eux, de leurs habitudes, de leurs petits plaisirs particuliers.

    D’ailleurs lorsque j’y pense, heureusement pour eux, que je ne suis pas un tueur en série, parce que j’aurais pu collectionner tellement de préservatifs pleins de sperme qu’il m’aurait suffit de les laisser sur les lieux de mes putatifs crimes pour ne jamais être inquiété.

     

    Vendredi 23 février 2007.

     

    La première fois que j’ai vendu mon corps, je n’avais que 17 ans.

    J’avais un visage d’ange, c’est ce que m’avait dit Adam.

    Oui je l’ai surnommé Adam parce qu’il a été le premier.

    Il me restait encore quelques centimètres de croissance à faire, mais je dépassais déjà le mètre quatre-vingts, j’étais mince et j’arborais une longue crinière blonde, qu’il m’arrivait d’attacher en queue en cheval.

    Tu n’imagines pas l’effet que cela faisait aux hommes, lorsque j’enlevais l’élastique qui les maintenait et que je faisais un léger mouvement de tête pour remettre en place mes longs cheveux.

    Rien de tel pour provoquer chez eux une érection, signe qu’une fois de plus, j’allais obtenir qu’ils lâchent leur argent contre mes services.

    Adam, je m’en souviens encore comme si c’était hier.

    Il devait avoir une trentaine d’année.

    C’était un jeune homme de la haute, élégant et tiré à quatre épingles.

    C’était le début de l’été, je suis rentré dans un bar pour me rafraichir et il était au comptoir.

    Nos regards se sont croisés et de suite, il m’a fait du charme.

    Je me souviens de son corps parfait que je devinais sous son costume croisé, mais il avait un visage ingrat.

    Je ne le trouvais pas à mon goût, mais il me courtisât de telle sorte que pensant m’en débarrasser, je lui confiais discrètement à l’oreille que je prenais un tarif exorbitant qui n’incluait pas la chambre d’hôtel.

    Il me donna aussitôt son accord et je n’eu d’autre choix que de l’accompagner dans le plus beau palace de la ville.

    Une fois dans la chambre, il sortit une liasse de billet afin de me payer.

    Il s’assit dans un des confortables fauteuils de la suite qu’il occupait et me demanda de me déshabiller.

    Je commençais à m’exécuter en lui dévoilant mon torse lisse.

    Cette vision lui provoqua une érection que je devinais sous son pantalon.

    C’est alors que je compris le pouvoir que je pouvais avoir sur lui.

    Pouvoir dont je jouirais ensuite pendant de nombreuses années et sur de nombreux hommes.

    Je continuais à m’effeuiller mais tout doucement et en remuant mon corps de façon plus ou moins sensuelle.

    Cette technique je l’ai perfectionné au fil des années.

    Lorsque je n’avais plus que mon slip à enlever, je sentais son excitation si forte que j’en avais moi-même une érection et le bout de mon gland dépassait légèrement.

    Adam le vit et se leva.

    Son érection que j’avais deviné était bien réelle, j’en étais sur.

    « Libère-moi » m’a-t-il dit.

    Je me mis à genou, j’ouvrais sa braguette et prenais dans ma main son magnifique sexe bien dur, pour le glisser à travers la fente.

    Il me fit me redresser, s’agenouilla devant moi, baissa violement mon slip pour laisser apparaitre mon sexe pointant vers le plafond.

    Et il commença à me faire la meilleure fellation que l’on ne m’a jamais faite.

     

    Samedi 24 février 2007.

     

    Adam avait une technique si parfaite, qu’il ne lui fallut pas très longtemps pour obtenir ce dont il avait envie.

    Il put ainsi boire le nectar qui s’échappait de mon corps.

    Il eut la chance de profiter d’une quantité respectable de sa boisson favorite, car j’avais quelque peu du subir une abstinence forcée du fait de la période d’examens et des révisions qui avaient monopolisés tout mon temps.

    Tout son plaisir était là.

    Dès que les premières gouttes lui parvinrent en bouche, sa verge se mit à asperger mes genoux de son sperme chaud qui courait le long de mes jambes.

    Il se redressa et se déshabilla complètement.

    C’est à ce moment là que je découvris ce corps splendide que j’avais quelque peu deviné.

    Il me proposa de prendre un bain avec lui, ce que j’acceptais.

    La salle de bain était immense, claire, lumineuse.

    Une gigantesque baignoire à l’eau encore fumante nous accueilli et dans un silence religieux nous nous plongeâmes dans l’eau pour ne laisser en surface que nos têtes.

     

    Dimanche 25 février 2007.

     

    Je n’imaginais pas lorsque je t’ai donné la vie, à quel point tu me permettrais de revivre si intensément ce que je te confie.

    Les souvenirs reviennent grâce à toi, probablement.

    Lorsque j’ai décidé de me raconter à toi, c’était surtout parce que je n’avais personne d’autre auprès de qui déverser ce qu’a été ma vie, mais maintenant, je dois bien avouer que j’y prends du plaisir et que cela me permet de revivre quelque peu ces sensations, ces émotions.

    Partager avec toi est une torture en fait, car revivre ses moments, inflige à mon corps douloureux des souffrances.

    A moins d’un miracle, mon corps mourant finira par s’éteindre, mais grâce à toi, j’ai l’impression de revivre, alors ces douleurs que tu m’infliges je les prends et je les accepte.

     

    Lundi 26 février 2007.

     

    Lorsque je t’ai parlé d’Adam, m’est revenu en mémoire Monsieur Anatole.

    Ah ! Monsieur Anatole, celui-là c’est surement le seul de mes jouisseurs pour lequel j’ai eu de l’affection.

    Il était attendrissant Monsieur Anatole.

    Je l’ai toujours considéré un peu comme mon grand-père, quelque peu incestueux, certes, mais tout de même.

    Monsieur Anatole, je l’ai rencontré bien après Adam, j’avais déjà commencé ma carrière depuis longtemps.

    Alors que je cherchais un jouisseur à contenter, j’ai croisé Monsieur Anatole.

    Il devait avoir pas loin de soixante-dix ans.

    Il n’était pas très grand, pas très distingué, il portait toujours une casquette élimée.

    Mais pendant tout le temps où je l’ai fréquenté, il a toujours été propre et sentait la lavande, probablement une eau de cologne bon marché.

    Il était assis sur un banc dans le parc.

    Il m’a souri et je lui ai répondu de la même façon et suis venu m’asseoir à côté de lui.

    Il a engagé la conversation en me racontant sa petite vie.

    J’ai de suite été attendri par ce papi souriant.

    Monsieur Anatole, je lui aurais fait mes honneurs gratuitement tellement j’avais d’affection pour lui, mais il a insisté pour me payer, alors je lui ai fait un tarif spécial, tout petit, pour ainsi dire symbolique.

     

    Mardi 27 février 2007.

     

    Je te demande de me pardonner de t’avoir laissé en plan hier, mais le souvenir de Monsieur Anatole m’a ému aux larmes et m’a remémoré ses obsèques.

    Je crois que je l’ai vraiment aimé comme s’il avait été le grand-père que je n’ai jamais connu.

    Nos séances se déroulaient toujours le mardi, pourquoi je ne sais pas.

    Mais chaque mardi à 14h00, il sonnait à ma porte.

    Il entrait lorsque je lui ouvrais.

    Il sortait de sa poche le billet qu’il me tendait.

    Il enlevait sa casquette qu’il posait sur le bord du lit.

    Il dégrafait son pantalon qu’il laissait tomber sur ses chevilles.

    Puis il s’asseyait sur le lit en tenant son sexe dans sa main droite et me disait ensuite « vas-y ! ».

    Alors je commençais à me déshabiller lentement, langoureusement, en me trémoussant, lui dévoilant mon corps peu à peu pendant qu’il se masturbait et me racontait sa vie.

    Quelques semaines avant sa mort, il me demanda s’il pouvait me toucher.

    Ayant eu mon autorisation, il posa sa main sur mon torse et la fit glisser partout sur mon corps avec une délicatesse incroyable, une douceur telle que j’en tirais du plaisir.

    Ce fût la seule et unique fois ou Monsieur Anatole me toucha, mais pas une parcelle de mon corps n’échappa à la tendresse de sa main.

    Quand je repense à ses funérailles, c’était si triste, il n’y avait que quelques personnes âgées, probablement les voisins dont il m’avait à peine parlé.

     

    Mercredi 28 février 2007.

     

    C’est donc Adam qui m’avait permis de me rendre compte du pouvoir que je pouvais avoir sur les hommes.

    Pouvoir de séduction, uniquement du à ma plastique et à la beauté mon visage, je suppose.

    C’est d’ailleurs la seule chose dont je ne suis pas fier.

    Ne pas avoir été à l’origine de ce pouvoir autrement que par les dons de la nature, m’a toujours pesé, c’est sans doute pour cela que je me suis obligé à parfaire mes techniques de séduction et que j’ai joué de mon corps pour faire ressortir une sensualité qui je l’espérais tout du moins serait plus attirante que ma beauté.

    Je ne sais pas et je ne saurais jamais si j’ai gagné ce combat.

     

     

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